Femmes de science
Le 11 février est la Journée Mondiale des Femmes en Science. L'initiative est mise en œuvre par l'UNESCO et l'ONU-Femmes, en collaboration avec des institutions et des partenaires de la société civile qui visent à promouvoir les femmes et les filles, https://fr.unesco.org/commemorations/womenandgirlinscienceday.
Cette journée est l'occasion pour le CPPM de mettre en valeur les chercheures, ingénieures, techniciennes qui contribuent à la recherche dans le domaine de la physique des deux infinis, avec des activités liées à la science, à la technologie et au soutien à la recherche. Entre le 11 février et le 8 mars 2021, elles se sont prêtées à un jeu de questions-réponses intitulé "Questions de femmes" pour vous faire découvrir leur métier et la passion qui les anime.
Retrouvez leurs questions-réponses sur le compte twitter du CPPM @CPPMLuminy et leurs explications sur notre site https://www.cppm.in2p3.fr/web/fr/diffusion_du_savoir/femmes_science/
Question de Laurence Caillat... Qu'est-ce qu'une démarche qualité dans un projet de recherche ?
Laurence Caillat, ingénieure qualité au CNRS, vous répond :
La démarche qualité peut être définie comme la mise en place d'un système fiable et performant permettant, dès la conception, de définir les exigences (performances attendues), de maîtriser les risques tout au long du projet et, lors de la conception, de vérifier l'obtention des exigences et d'en apporter la preuve (traçabilité).
Question de Stéphanie Escoffier... Un vide cosmique est-il vide de matière ?
Stéphanie Escoffier, chercheuse au CNRS, physicienne dans l'équipe Renoir, vous répond :
Un vide cosmique est une région de l'Univers sous dense en matière et délimitée par des filaments galactiques et de matière noire. Leur densité extrêmement faible correspond à un dixième de la densité moyenne de l'Univers, ces vides cosmiques ne sont donc pas totalement vide, mais ils n'abritent que très peu de galaxies. Un vide cosmique a une taille entre 10 et 100 mégaparsecs, et pour comparaison la galaxie la plus proche de nous, Andromède, est située à environ 0,8 mégaparsec. Leur abondance, leur forme et la façon dont ils se déforment sous l'action de la gravité nous donnent des renseignements précieux sur le contenu et la dynamique de l'Univers caractérisé par la matière noire et l'énergie noire.
Question d'Elisabeth Petit... Que s'est-il passé 1 picoseconde après le big-bang ?
Elisabeth Petit, chercheuse CNRS, physicienne dans l'équipe ATLAS, vous répond :
Les particules élémentaires ont acquis une masse grâce au mécanisme de Higgs. Le boson de Higgs, découvert en 2012 au CERN, est encore activement étudié pour comprendre cette transition au tout début de l'Univers.
Plus précisément, la physique des particules décrit les particules élémentaires qui constituent les briques de la matière et leurs interactions. On sait aujourd'hui qu'elles ont une masse grâce à leur interaction avec une particule appelée "boson de Higgs". Ce boson a été prédit en 1964 et découvert au CERN en 2012 par deux expériences du LHC. Il constituait la dernière pièce du puzzle de la théorie globale de la physique des particules. De nombreuses recherches ont encore lieu aujourd'hui pour analyser précisément ses propriétés et comprendre ce qu'il s'est passé exactement 1 picoseconde après le big-bang quand le mécanisme de Higgs a donné leur masse aux particules. Sans lui les noyaux des atomes ne pourraient pas être stables et l'univers tel que nous le connaissons ne pourrait pas exister. Ces recherches sont effectuées par des milliers de chercheurs à travers le monde. Le boson de Higgs est produit au LHC, mais chaque boson de Higgs se cache parmi mille milliards d'autres événements. Nous développons donc des programmes informatiques pour permettre de sélectionner les événements qui nous intéressent. Plusieurs équipes travaillent ensemble, par exemple je coordonne un groupe de travail d'une vingtaine de personnes à travers le monde : français, espagnols, italiens, américains, chinois, etc. Nous faisons régulièrement des vidéo-conférences pour échanger nos idées et nos résultats.
C'est un travail de longue haleine car le LHC va continuer à opérer jusqu'en 2037. C'est pourquoi je travaille aussi à améliorer notre détecteur avec mes collègues ingénieurs et techniciens.
Plus d'infos : https://www.youtube.com/watch?v=ReqOW5C4mRk&feature=youtu.be
Question d'Aurélia Secroun... Les Femmes ingénieures réussissent-elles aussi bien que les Hommes ingénieurs ?
Aurélia Secroun, ingénieure chercheuse CNRS, en instrumention, vous répond :
Bien sûr que les Femmes ingénieures réussissent aussi bien que les Hommes ingénieurs, et même parfois mieux ! Ainsi, j’ai eu l’honneur et le plaisir de recevoir l'Euclid STAR Prize au nom de l’équipe que j’ai dirigée. Ce prix salue l’excellente qualité du travail réalisé pour caractériser les détecteurs infrarouges qui seront à bord du satellite Euclid pour un décollage en 2022.
Question de Gaia Verna... Pourquoi j'ai choisi un cursus scientifique et une thèse en physique des astroparticules et astrophysique gamma ?
Gaia Verna, doctorante dans l'équipe Astroparticules Photons, vous répond :
Pour commencer à entreprendre un programme d'études, il est important d'avoir une grande motivation et détermination.
La source d'inspiration doit être ses propres passions personnelles mais aussi les expériences d'autrui qui ont déjà emprunté le chemin que nous aimerions entreprendre.
Pour vous donner un exemple, je vais vous raconter l'histoire de l'astrophysicienne britannique, Jocelyn Bell.
Elle est née dans les années '40 et à l'école, elle, comme les autres filles, n'était pas autorisée à étudier les sciences jusqu'à ce que ses parents (et d'autres) protestent contre la politique de l'école.
Auparavant, le programme des filles comprenait des matières telles que la cuisine et le point de croix plutôt que la science. Dans les années 60, elle est marquée par un professeur à qui elle attribue une grande partie de sa vocation pour la physique. En 1964, pendant son doctorat en radioastronomie, elle remarque un signal différent des signaux radioastronomiques connus : elle avait découvert la première source "pulsar" (PSR B1919+21) et pour cette découverte son directeur de thèse, Antony Hewish, obtient le prix Nobel en 1974. Elle n'était pas l'un des récipiendaires du prix. Sa carrière scientifique a été en tout cas brillante et il a depuis reçu de nombreux autres prix. En 2018, elle a remporté un prix de 3 millions de dollars et les a fait don pour constituer un fonds de bourses d'études afin d'encourager la recherche étendue en physique, avec une attention particulière aux femmes.
Son histoire m'a vraiment "accrochée" car Jocelyn a connu de nombreuses difficultés avant que ses efforts et son travail soient reconnus.
Elle a déclaré qu'elle souffrait souvent du "syndrome de l'imposteur" : se sentant inadaptée à un secteur fortement masculin. Cependant, elle a continué son chemin en essayant de ne pas s'effondrer et en apprenant à défendre ses idées.
Sa motivation doit être un exemple pour nous toutes, femmes scientifiques... et pour les futures femmes scientifiques !
Question de Justine Serrano... Pourquoi étudier l’antimatière ?
Justine Serrano, chercheuse au CNRS, physicienne dans l'équipe Belle II, vous répond :
L’antimatière n’a rien de spécial en soit, elle apparait comme une image symétrique de la matière. Mais au début de l'Univers, il y avait autant d’antimatière que de matière, et on cherche aujourd'hui à comprendre pourquoi l’antimatière a disparu!
Plus précisément, l’antimatière possède une caractéristique spectaculaire, celle de s’annihiler avec la matière dès qu’elle la rencontre. Si certains auteurs de science fiction en font une source d’énergie ou une arme, la réalité est bien différente : l’antimatière est extrêmement couteuse à produire et quasiment impossible à stoker. Mais quelle est sa vraie nature et pourquoi est-elle si rare?
L’antimatière apparait en fait comme une image symétrique de la matière. Nous savons aujourd’hui que les briques élémentaires qui composent la matière sont au nombre de 12 : 6 quarks et 6 leptons qui sont réparties en trois familles. Aux briques de matière s’ajoutent les particules médiatrices des quatre interactions fondamentales : l’interaction faible responsable de la radioactivité, l’interaction forte qui lie les quarks entre eux, l’interaction électromagnétique et la gravitation. A chacun de ces constituants élémentaires correspond une antiparticule qui a la même masse mais des charges opposées : charge électrique mais aussi charge leptonique (+1 pour les leptons et -1 pour les antileptons) par exemple. Certaines particules neutres peuvent également être leur propre antiparticule, c’est le cas du photon, médiateur de l’interaction électromagnétique.
L’antimatière n’a rien de spécial en soit, notre monde aurait bien pu aussi être fait d’antimatière. Mais alors pourquoi est-il constitué seulement de matière ? En effet, nous n’avons à ce jour pas observé d’anti-planète ou d’anti-galaxie dans l’univers... Il y a deux hypothèses pour répondre à cette question : soit les quantités de matière et d’antimatière n’étaient pas égales dès le début de l’univers, soit une asymétrie est apparue au cours de son évolution. La première hypothèse n’est pas très satisfaisante à la fois d’un point de vue philosophique car il faudrait une infime différence, ce qui nécessiterait un ajustement très fin des conditions initiales, mais aussi d’un point de vue cosmologique car elle n’est pas compatible avec la phase d’inflation de l’univers, ce court instant pendant lequel il a gonflé exponentiellement. Dans la seconde hypothèse, le Big Bang a créé autant de matière que d’antimatière. L’ensemble aurait dû s’annihiler mais une infime quantité de matière a survécu puisque nous sommes là ! Un processus est donc apparu qui a fait que la matière a pris le pas sur l’antimatière au tout début de l’Univers. C’est ce processus que nous essayons de comprendre grâce aux accélérateurs de particules, qui peuvent produire des particules de matière et d’antimatière. En comparant la façon dont ces particules se désintègrent nous espérons résoudre le mystère de la disparition de l’antimatière.
Question de Dorothea Vom Bruch... Pourquoi veut-on observer des millions de collisions de particules par seconde ? Et comment peut-on traiter les volumes de données produites qui sont plus vastes que ceux de Facebook ?
Dorothea VOM BRUCH, chercheuse CNRS, physicienne dans l'équipe LHCb, vous répond :
Dans la recherche fondamentale, il existe plusieurs mystères que nous ne comprenons pas encore. Un exemple – cité précédemment par Justine Serrano – est le fait qu’il y a plus de matière que d’antimatière dans l’Univers, mais on ne connait pas l’origine de cette asymétrie. Les chercheurs et chercheuses sont donc à la recherche d’un mécanisme qui est à la base de cette asymétrie. Un tel mécanisme peut se manifester dans des interactions de particules fondamentales, comme les protons es les électrons. C’est pourquoi des machines sont construites pour faire collisionner des millions de particules par seconde et des expériences enregistrent les informations sur ces collisions. Ces données permettent de mesurer avec une très haute précision les interactions entre les particules et permettent peut-être de découvrir le mécanisme de l’asymétrie de la matière. Je mène des recherches dans le cadre de l’expérience LHCb qui se trouve auprès du plus grand collisionneur de particules au monde : le LHC (Large Hadron Collider) au CERN. A partir de 2022, le taux de données pour LHCb sera de 5 terabytes (10-12 bytes) par seconde. Cela représente plus de données à traiter que le volume de données de Facebook ! Il faut les analyser en temps réel parce que le volume de données est trop grand pour tout enregistrer ! Cette analyse en temps réel constitue un grand défi en termes de calculs. Il faut donc utiliser des équipements informatiques modernes, faisant appel à des architectures hybrides, et choisir le matériel informatique le plus adapté à cette tâche. Il s’avère que les cartes graphiques, donc les mêmes cartes que vous utilisez pour vos jeux vidéo, se prêtent bien aux calculs pour reconstruire les trajectoires de particules. Ainsi, dès 2022, des centaines de cartes graphiques vont être utilisées pour analyser les données de LHCb.
Question d'Isabelle Wingerter-Seez... Comment construire un détecteur ?
Isabelle Wingerter-Seez, chercheuse CNRS, physicienne dans l'équipe Matière Noire, vous répond :
Tout d’abord en répondant aux questions: 1) Pourquoi ? 2) Où va-t-il être installé ? 3) Quelles performances doivent être atteintes ? Mettre face à face, en équipe, ce qui est essentiel, nécessaire et ce qui est techniquement et temporellement possible. Puis tous retrousser nos manches et construire.
Plus précisément, chaque détecteur est conçu pour répondre à une question de physique : détecter une nouvelle particule ; mesurer la lumière émise par les galaxies ; mesurer le flux de neutrinos… Pour chaque question, il s’agit d’identifier la technique la plus adaptée pour y répondre. Quelle précision est nécessaire pour s’affranchir des bruits de fond (ces phénomènes qui imitent ce que l’on cherche à observer) : par exemple sur la mesure de l’impulsion, de l’énergie, de la lumière produite, de l’angle d’incidence.
Une fois les critères définis, vient le temps de la conception. Les critères sont surtout dans les mains des physiciens. La conception est élaborée entre les ingénieurs et les physiciens. Souvent ils s’asseyent autour d’une table et confrontent les désirs à la réalité, à ce qu’il est techniquement possible de construire. Il faut aussi prendre en considération le coût. Juger si le jeu en vaut la chandelle. Est-ce justifié d’utiliser cette technique dispendieuse ? Ou vaut-il mieux choisir cette autre, un peu moins performante mais suffisante pour atteindre le but ?
Puis vient le temps de la construction où ingénieurs et techniciens mettent en œuvre la fabrication des pièces, les tests, les assemblages. Dans notre domaine les détecteurs sont souvent très grands et leur construction nécessite de grands halls, de nombreux canaux de lecture, des programmes informatiques raffinés et rapides. Tous les corps de métiers contribuent : mécaniciens, électroniciens, informaticiens et administratifs.
Les détecteurs sont ensuite transportés vers leur site d’expérience ; il est alors temps de les mettre en route, de voir les premiers signaux, de contrôler que tout est bien monté.
Question d'Aurélia Secroun... En quoi le travail d’une ingénieure de recherche est-il différent de celui d’une ingénieure en entreprise ?
Aurélia Secroun, ingénieure-chercheure CNRS en instrumentation, vous répond :
L’ingénieure de recherche en laboratoire fait de la recherche, c’est-à-dire explore un monde inconnu. Le travail, c’est développer des instruments qui n’existent pas, ce qui est très enthousiasmant et valorisant. Songez que, pour la mission spatiale Euclid, nous avons développé la plus grande caméra infrarouge qui ait jamais été construite pour l’espace : elle fait environ 16cmx16cm et contient 64 millions de pixels. Cette caméra enregistrera des images de millions de galaxies dans le ciel pendant 6 ans.
Plus d’informations : les activités de l'équipe Renoir en cosmologie
Question d'Aurélia Secroun... Que fait l’ingénieure que je suis pour une mission spatiale comme Euclid ?
Aurélia Secroun, ingénieure-chercheure CNRS en instrumentation, vous répond :
Euclid est un projet spatial qui rassemble une centaine de laboratoires, des ingénieurs et des chercheurs, de France, de toute l’Europe et des États-Unis. Euclid a pour objectif d’observer l’Univers et de découvrir l’Energie Noire. Tous les chercheurs et les ingénieurs sont tournés vers cet objectif. Tandis que les chercheurs préparent les outils d’analyse, les ingénieurs conçoivent, construisent et testent les instruments les plus pointus et les plus performants au monde. Régulièrement, on se retrouve tous ensemble pour échanger et partager. Et on va à la rencontre des jeunes pour partager notre passion.
Plus d’informations : les activités de l'équipe Renoir en cosmologie
Question d'Evelyne Garçon... Qu'est-ce que l'intégration en techniques expérimentales ?
Evelyne Garçon, assistante ingénieur CNRS en instrumentation et techniques expérimentales, vous répond :
L’intégration rassemble toutes les opérations d’assemblage, de montage des différents composants optiques, électroniques, électriques, mécaniques permettant de faire fonctionner une expérience, ainsi que les tests de validation à chaque étape. Plus précisément, au CPPM, je travaille sur l’intégration des « Bases Modules » (BM) de l’expérience d’astroparticules KM3NeT, qui est un télescope à neutrinos immergé à 2500 m au fond de la mer Méditerranée. A terme, le télescope du site français sera composé de 115 lignes de détection. Un BM est fixé au pied de chaque ligne de détection, il permet de faire le relais entre la terre et les abysses. Il convertit l’énergie arrivant de la côte par 40 km de câbles électro-optiques vers la ligne de détection, et amplifie les données récoltées par les 18 modules optiques d’une ligne de détection vers la terre. Le « Base Module » est composé d’un container étanche en titane qui contient une alimentation électrique, des cartes électroniques, des composants optiques, des pénétrateurs étanches pour l’hydrophone de positionnement et les différents câbles électro-optiques. Je suis chargée des soudures par fusion des fibres optiques des différents composants optiques, des raccordements des cartes électroniques et électriques, et des montages mécaniques de tous les supports, en respectant des procédures complexes. A chaque étape de l’intégration, je dois faire des tests de validation. Je gère les approvisionnements de tous les composants référencés dans les nomenclatures d’intégration. Je renseigne la base de données de l’expérience. L’intégration des BM est soumise à des contraintes fortes d’encombrement, d’étanchéité et de fiabilité pour une période de vingt ans, car une fois les lignes de détection déployées en mer à ces profondeurs, on ne peut plus intervenir dessus. Ce poste nécessite des compétences techniques dans de nombreux domaines, de la rigueur et de la dextérité.
Plus d’informations :
Les activités de l'équipe KM3NeT en astroparticules neutrinos
Les activités des services techniques du CPPM
Question de Laurence Caillat... Quels sont les enjeux de la qualité ?
Laurence Caillat,ingénieur qualité CNRS, vous répond :
Les enjeux de la qualité sont à la fois réglementaires (crédibilité et visibilité, fiabilité des résultats, respect des réglementations), externes (réponses aux exigences des "clients", reconnaissance scientifique/technique) et internes ( amélioration de l'organisation et de la performance d'un projet, développement et pérennité du savoir-faire).
Question de Danièle Laugier... Qu'est-ce que l'informatique instrumentale en recherche ?
Danièle Laugier, ingénieure informaticienne, vous répond :
L’informatique instrumentale pour les programmes d’étude et de réalisation des systèmes de contrôle et d’acquisition en physique des particules consiste à réaliser à la fois le contrôle-commande de systèmes répartis traitant en temps réel de gros flux de données ; l'acquisition, filtrage, formatage et assemblage de données fugitives ; les communications inter-machine et inter-process.
Plus précisément, l’informatique instrumentale consiste à piloter des systèmes traitant de gros flux de données. Par exemple, pour les cartes électroniques de lecture d'un détecteur de physique de particules : il faudra initialiser les cartes électroniques, les configurer pour une acquisition. Aujourd'hui au CPPM, j'ai la responsabilité du logiciel de contrôle-commande des cartes "LTDB" pour le détecteur Calorimètre à Argon Liquide (LAr) pour le projet ATLAS/LHC. Ce détecteur a près de 180 000 cellules à lire toutes les 25 nano secondes et les cartes "LTDB" font partie du filtre "hardware" de niveau 1 du détecteur LAr.
Question de Laurie Cappellugola... Comment fonctionne la TEP (Tomographie par Émission de Positron) ?
Laurie Cappellugola,doctorante de l'équipe en imagerie biomédicale, imXgam, vous répond :
Le praticien injecte au patient une molécule appelée radiopharmaceutique. Cette molécule se fixe sur les cellules cancéreuses et permet, suite à sa désintégration β+, l’émission de deux particules gamma, ayant une énergie de 511 keV, dans deux directions opposées l’une à l’autre. La couronne de détecteurs (scintillateurs), autour du patient permet la détection des deux particules simultanément, et ainsi la localisation de la tumeur.
Plus précisément, la Tomographie par Emission de positron est une technique d’imagerie fonctionnelle utilisée en médecine nucléaire pour détecter une activité métabolique. Un radiopharmaceutique est injecté au patient par voie intraveineuse avant l’examen. Ce traceur est marqué par un atome radioactif, émetteurs de particule β+ ou autrement appelé « positron », qui sont des antiélectrons. Le marqueur souvent utilisé est le fluor-18 incorporé dans un molécule de glucose. Étant une molécule ‘sucrée’, elle se dirige vers les cellules actives nécessitant un apport en sucre important, comme les cellules tumorales qui se multiplient plus rapidement que les cellules saines. Une fois fixée sur la tumeur, la désintégration donne naissance à une particule β+ qui parcourt une distance très faible (de l’ordre du millimètre) dans le corps du patient, avant de rencontrer un électron. Cette collision donne lieu à une annhilation : l’énergie du positron et de l’électron permet l’émission de deux particules gamma ayant chacune une énergie de 511 keV et une direction opposée à 180° l’une de l’autre. Ces deux gamma sont réceptionnés par une paire de détecteurs, présents sur l’anneau de détection placé autour du patient. La connaissance de l’énergie portée par ces particules nous permet de sélectionner uniquement les particules détectées simultanément (moins de dix milliardième de seconde entre les deux détections), sur deux scintillateurs opposés l’un à l’autre. Les circuits électroniques qui permettent cette sélection sont appelés « circuits de coïncidence ». En retraçant les lignes de vol et à l’aide d’un algorithme de reconstruction, nous pouvons dresser la carte des points d’émission et déterminer la concentration du traceur en chaque point. L’acquisition de données à des angles différents permet la reconstitution d’une série de coupes dites tomographiques. Ainsi, à chaque désintégration du radiopharmaceutique, les deux particules gamma qui sont détectés permettent une localisation précise de la tumeur en deux ou trois dimensions. Cette imagerie est primordiale pour le bon déroulement du traitement qui suivra.
Question de Marie-Thérèse Donel... Quel est mon rôle, en tant que directrice administrative, pour le CPPM ?
Marie-Thérèse Donel, directrice administrative, vous répond :
J'assiste et conseille le directeur du laboratoire (appelé aussi "unité de recherche"). J'impulse, organise et conduis la mise en oeuvre des plans d'action en fonction des orientations stratégiques de l'unité. Je pilote des projets complexes que je coordonne. Je supervise le fonctionnement d'un service composé de 7 agents permanents.
Question de Stéphanie Escoffier... Quelle est la nature de l'énergie noire ?
Stéphanie Escoffier, directrice de recherche au CNRS, physicienne dans l'équipe Renoir, vous répond :
L'énergie noire a été introduite en 1998 suite à la mise en évidence de l'accélération de l'expansion de l'Univers avec les supernovae. Dans le cadre de la Relativité Générale d'Einstein, l'énergie noire agit comme une force répulsive, mais sa nature demeure inconnue encore aujourd'hui. Une alternative pour expliquer les observations des grandes structures serait de mettre en jeu une théorie de la gravitation plus large. Les futurs projets comme le Dark Energy Spectroscopic Instrument, Rubin/LSST ou la mission spatiale Euclid permettront de faire avancer nos connaissances sur cette mystérieuse composante.
Question de Magali Damoiseaux... Pourquoi communiquer en recherche ?
Magali Damoiseaux, responsable communication CNRS, vous répond :
Communiquer… c'est exister, c'est convaincre, c’est transmettre des connaissances, c'est susciter des vocations !
Plus précisément, le CPPM est un laboratoire de recherche fondamentale en physique de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. Son terrain d’investigation se place au cœur de l’Univers et de la matière. Il fait partie de la vingtaine de laboratoires répartis sur tout le territoire et regroupés en un institut du CNRS l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules. (IN2P3). Le CPPM a pour tutelles, le CNRS et Aix-Marseille Université. Et en relation avec celles-ci, ma mission est de tout mettre en œuvre pour faire connaitre ce laboratoire au plus grand nombre. Expliquer les enjeux de ses recherches auprès du grand public jusqu’à faire découvrir la physique des deux infinis aux plus jeunes pour susciter des vocations.
Je définis ainsi des moyens de communication qui expliquent les activités scientifiques et techniques du laboratoire voire aussi les métiers qui y sont exercés. Sont nécessaires alors des documents multimédias didactiques, utilisant des messages adaptés dans un langage accessible, diffusés sur le web, les réseaux sociaux, ...
Pour se rapprocher des citoyens, des actions sont également menées, à titre d’exemples : des rendez-vous avec les scientifiques au travers d’expositions lors de la Fête de la science, des conférences grand public.
Des moyens plus « originaux » sont aussi utilisés pour rendre plus attractive cette recherche auprès des jeunes et qu’ils acquièrent la démarche scientifique et un esprit critique. C’est le cas des masterclasses internationales de physique destinées aux lycéens qui deviennent, en l’espace d’un jour, des apprentis chercheurs pour des projets du LHC (Large Hadron Collider).
D’autres actions plus singulières peuvent être déployées pour « toucher » un public pas forcément enclin aux sciences : en partenariat avec des artistes, la création d’un événement théâtralisé, en mettant en scène des jeunes en arts plastiques par exemple.
Je mène aussi des opérations plus ciblées en direction des jeunes filles. En effet notre domaine ne compte que 18% de femmes et force est de constater qu’elles ont trop tendance à se censurer. Aussi depuis 2018, j’incite mes collègues - chercheuses, ingénieures et « personnels supports » - à témoigner de leur contribution quotidienne à la physique des deux infinis, avec des activités liées à la science, à la technologie et au soutien à la recherche. Cette année, à l’occasion des journées du 11 février et du 8 mars, elles ont participé à « Questions de femmes, découvre mon métier au cœur de l’Univers et de la matière ». Les publications de leur témoignage se sont effectuées sur twitter, sur la page « actu » du site web du CPPM et relayées par nos tutelles ainsi que nos partenaires académiques et scientifiques.
Toutes ces activités, pour garantir leur succès, s’inscrivent dans un collectif ayant des compétences complémentaires. Faire partie de celui-ci me réjouit et me motive tous les jours !
Laurence C., Laurie C., Marie-Thérèse D., Stéphanie E., Evelyne G., Danièle L., Elisabeth P., Aurélia S., Justine S., Gaia V., Dorothea V. B., Isabelle W. S., vous avez accepté cette année de vous prêter au jeu #questionsdefemmes, je vous en remercie grandement. Vous avez porté haut les couleurs du CPPM !